La légitime défense ou les causes d’atténuation de la responsabilité pénale

Qui n’a pas entendu parler de la  « légitime défense » ? On aurait presque l’impression de la connaitre sans l’avoir réellement étudiée… Et pourtant…

La légitime défense est inscrite dans le code pénal, à la rubrique causes d’atténuation de la responsabilité pénale. La loi prévoit un certain nombre de cas de figure où la personne qui engage sa responsabilité pénale peut ne pas être condamnée. Les exemples les plus connus sont la minorité de 13 ans (art. 122-8 du CP), les troubles psychiques ou neuropsychiatriques (art. 122-1 du CP), la loi ou commandement de l’autorité légitime (art. 122-4 du CP), l’état de nécessité (art. 122-7 du CP) etc…

La légitime défense, inscrite dans le cadre de l’article 122-5 du code pénal, consiste à défendre un bien ou une personne (soi-même ou autrui) contre une atteinte actuelle et injuste à leur intégrité physique. «N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.
          N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi des lors que les moyens employés sont proportionnés a la gravité de l’infraction ».

Dans les grandes lignes, la légitime défense contre un bien ne peut pas donner lieu à un homicide volontaire (seconde partie de l’article de loi – exception faite lorsque les forces armées institutionnelles sont engagées – Article L435-1 du CSI). A contrario, la légitime défense concernant une personne le permet. Il faut toutefois que l’acte de défense soit nécessaire, simultané et proportionné.

Un acte nécessaire, simultané et proportionné

  • Nécessaire signifie, entre autre, que la fuite ne doit pas être possible. Par exemple, un garde du corps se fait agresser avec son VIP. S’il peut fuir avec son VIP mais qu’il préfère riposter, il ne sera pas en légitime défense. Par ailleurs, le Juge risque fort de lui dire qu’en tant que professionnel de la sécurité privée, il n’est pas sur la voie publique pour faire usage de la violence (art. 10 du code de déontologie du CSI).
  • Simultané signifie que l’acte de défense ne peut intervenir après coup. Exemple, un buraliste se fait braquer avec une arme. Le braqueur ressort de l’échoppe du commerçant avec son butin. Le buraliste se saisi d’une arme, sort et tire sur l’agresseur en fuite. Dans ce cas, on parle de vengeance et non de légitime défense.
  • Proportionné signifie que l’acte de défense doit être proportionné à l’atteinte et plus exactement aux conséquences de l’atteinte. Exemple : une femme mesure 1m50 et pèse 40 kilo agresse furieusement avec un petit couteau un homme de 2m de haut qui pèse 150kg, en mesure de se défendre. Vous assistez à la scène et vous êtes armés d’un pistolet. L’agression a peu de chance d’engager le pronostic vital de l’homme. Conduite à tenir : ne pas faire usage de l’arme à feu, tenter de neutraliser la femme, sans se mettre en danger, si bien sûr la fuite n’est pas possible pour l’homme menacé. A l’inverse, ce même homme en colère agresse de toutes ses forces la même femme, avec cette petite lame et toujours dans le même contexte. Dans ce cas, le pronostic vital de la femme est sérieusement engagé. De fait, vous êtes autorisé à faire usage de votre arme à feu. En effet, la situation est exactement la même, mais les atteintes ne sont pas semblables. Cette règle s’applique pour tous citoyens, qu’il soit de l’Institution ou simple citoyen, armé ou non.

Quelques précisions utiles…

Une dernière chose et non des moindres. Dans ce dernier cas de figure, vous faites feu sur l’agresseur et celui-ci décède. L’homicide doit être déclaré volontaire. Il faut en effet vouloir tuer son agresseur pour constituer l’acte de légitime défense. Cela peut paraître étrange, mais un grand nombre de victimes s’étant défendues durant leur agression et ayant tué leur agresseur, ont déclaré au tribunal qu’elles ne voulait pas le tuer. Dans ce cas, le décès de l’agresseur rentre donc dans le cadre de l’homicide involontaire et non dans l’article 122-5 du CP. De ce fait, il n’est pas possible de bénéficier de l’atténuation de responsabilité.

Dans tous les cas, ce sont bien les Juges qui « apprécieront » la nature de l’acte : s’agit-il d’une agression volontaire, d’une vengeance ou d’un acte de légitime défense proportionné, simultané  et nécessaire  ?… Une décision entre loi et jurisprudence qui sera prise au cas par cas, considérant le moindre fait et en tenant compte du contexte exact dans lesquels se trouvaient des protagonistes.

Mythes sur la légitime défense

–  les poings des boxeurs sont considérés comme des armes : faux en France

–  on ne peut mettre en œuvre une arme que pour se défendre contre une agression avec arme : faux en soi, cela dépend des circonstances. Mais toutes choses égales par ailleurs, il sera peut-être plus difficile de prouver que l’atteinte portée par un ou des individus désarmés était d’une gravité telle qu’elle nécessitait l’usage d’une arme en réponse

–  il est moins grave d’utiliser une arme improvisée qu’une arme par nature, pour se défendre : faux, la loi française ne fait pas ce genre de distinctions pour apprécier la gravité d’une atteinte à l’intégrité physique

–  les pratiquants de méthodes de combat au corps à corps n’ont pas le droit d’utiliser leur art : faux. Par contre, l’appréciation du caractère proportionné du geste d’un pratiquant sera plus stricte que s’il s’agissait d’une personne lambda, car les juges auront tendance à considérer que du fait de son entraînement, qu’il a une plus grande capacité à maîtriser sa riposte.

– Je suis menacé par une arme à feu, je fais feu sur l’agresseur pour me défendre. L’agresseur est tué, mais il se trouve qu’il s’agissait d’une arme factice. Je serai automatiquement condamné : faux, la légitime défense est constituée (théorie de l’apparence).

– Je fais usage d’une arme à feu que j’ai ramassé par terre dans le cadre de la légitime défense, je sera condamné pour port d’arme illégal : faux. En principe, on ne peut poursuivre quelqu’un ayant agit en légitime défense ayant utilisé un moyen qu’il n’avait pas le droit de détenir. Par exemple, la victime d’un acte terroriste qui se saisirait de l’arme d’un agresseur pour se défendre ne serait pas poursuivie pour port d’arme illégal.

 

– Publié par EEPR (Yannick CAYET), le 30 Janvier 2018

 

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 Photo : John Miranda, Hawaii, 1996

2018-10-10T12:59:12+00:00janvier 24th, 2018|Articles|0 Comments

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