Protection rapprochée : que vaut la vie d’un homme ?

Le droit à la sécurité : c’est une des missions régaliennes de l’Etat. Ce droit fondamental est au cœur du contrat social de nos sociétés. Jje paye des impôts à l’Etat et j’en respecte les lois. En échange, je bénéficie (entre autres) de la protection de mon intégrité physique – du moins théoriquement.

Suite aux attentats parisiens, la question est plus que jamais sur le devant de la scène et fait l’objet de tous les débats. Plus de sécurité signifie-t-il moins de liberté ? Faut-il donner plus de moyens aux forces armées ? L’Etat est-il coupable de la mort de Charb parce que son garde du corps était trop isolé et trop démuni ? Les politiques comme les journalistes creusent la question. Mais au-delà des considérations philosophiques, on finit toujours à un moment donné par retomber sur une question bien plus terre-à-terre… Où trouver le budget pour sécuriser convenablement ?

Entre éthique et argent…

Dans la protection rapprochée, qui est un service privé, la question paraît plus évidente. La taille du dispositif de sécurité, le nombre d’agents et leur qualité, les moyens matériels mis à disposition, et même finalement le port d’arme ou non. Tout au final sera dépendant du budget du client. C’est parfois très frustrant, notamment quand une personne, peu exposée à la menace, a les moyens de s’entourer d’un aréopage de gardes du corps pour le « show ». En même temps, une autre, vraiment menacée, n’a pu s’offrir qu’un système de vidéo-surveillance pour se protéger. Mais c’est la loi du marché. Les agents de protection rapprochée travaillent souvent par idéal et pour l’honneur. Mais doivent bien également payer leurs factures et nourrir leur famille, n’y échappent pas.

Quand un client détermine le budget qu’il peut allouer à la sécurité d’une personne, on pourrait croire qu’il répond indirectement à une question assez cruelle. Combien vaut une vie humaine ? En fait, il répond souvent bien plus à des questions autrement plus pragmatiques et chiffrées, comme par exemple :

– Combien coûte l’image de cette personne ?

C’est notamment le cas des dirigeants d’entreprise. Ils ne sont en fait pas irremplaçables à la tête d’une entreprise, mais un accident ou un décès signifiera peut-être pour les actionnaires une mauvaise publicité pour la compagnie et éventuellement une chute de la valeur de l’action de l’entreprise sur les marchés. Dans les grandes corporations, ce risque-là est chiffré par les spécialistes du risk management, et le budget de la protection en sera proportionnel. Pareil pour les stars : leur image est leur cœur de métier. Un acteur frappant un paparazzi, c’est le risque de faire la une des tabloïds, de faire un bad buzz, et de perdre un rôle convoité. Son agent préférera tout autant faire encadrer l’acteur d’une myriade de bodyguards pour écarter professionnellement les photographes trop virulents. Le coût de la protection sera immanquablement indexé sur les cachets de l’acteur… et son tempérament.

– Combien coûte la couverture d’assurance de la personne ?

Le budget de la protection rapprochée est en effet directement associé à des questions d’assurances. Une personnalité est couverte par une police d’assurance, sur sa personne et ses biens. Mais généralement ce n’est pas la même que celle de Monsieur Tout le Monde. Les risques sont plus grands, donc la facture aussi. Dans les négociations sur le coût de l’assurance, les clients et les assureurs prendront en compte la protection rapprochée. Plus elle sera élaborée, plus l’assureur devra reculer sur ses prétentions puisque le risque est théoriquement diminué.

C’est donc parfois dans le courant d’une discussion avec l’assureur que certains détails de la protection rapprochée seront décidés. Présence constante ou non d’une équipe dans la résidence du Principal, accompagnement dans les voyages, etc. Et ces détails seront mis par écrit, feront l’objet du contrat d’assurance, et seront immanquablement vérifiés par les assureurs en cas d’incident. Notez que ce point est une menace pour notre activité. Une prime d’assurance correcte (=pas trop cher) est souvent la contrepartie de la présence d’un garde du corps. C’est l’une des raison notamment qui a fait chuter le tarif des APPN dans la sûreté maritime. La qualité de la protection a été remplacée par la compensation de l’assurance en cas de problème.

– Combien coûte le risque légal en cas de manque de protection ?

En novembre dernier par exemple, une ONG a été condamnée en Norvège pour « négligence grave ». Elle a payé plusieurs centaines de milliers d’euros de réparation à l’un de ses personnels, blessé par balle au Kenya lors d’un convoi sans protection.

Alors combien vaut la vie d’un homme ? Elle vaut ce qu’il en résultera des négociations entre l’assureur, l’agent, l’avocat, l’entreprise, le client et l’agence de PR. Elle est le fruit d’un calcul mêlant budget, coût d’opportunité, risk assessment, jurisprudence… Et puis, loin des comptables, des avocats et des assureurs, pour l’agent sur le terrain, parfois sous-équipé et isolé, face à une menace imminente, la question se reposera. Combien vaut la vie d’un homme ? Pour l’agent qui risque sa propre vie pour protéger celle d’un autre, la réponse est souvent : l’honneur et le devoir. C’est en tout cas la réponse qu’en a donné Franck Brinsolaro le 7 janvier 2015.

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– Publié le 20/01/16 par APR de France