Peut-on concilier une vie de famille avec une carrière en Protection Rapprochée ?

Depuis 2013, le taux de divorce des militaires a dépassé le taux national. Les chiffres ont choqué, mais qui pourrait s’en étonner ? Entre les opérations extérieures, les opérations sur le territoire national (démultipliées d’ailleurs depuis les attentats) et les entraînements opérationnels, la vie de famille avec un(e) militaire n’est pas une sinécure. Mais qu’en est-il dans la sécurité privée, et notamment dans le métier de la Protection Rapprochée ? Le milieu est mal connu scientifiquement. Aucun chiffre, aucune statistique, aucune étude ne permet d’appréhender sociologiquement la vie et la carrière de nos agents . On se doute pourtant bien que parvenir à un équilibre vie professionnelle/vie privée est difficile dans cette profession.

Il y a bien entendu d’abord le problème des horaires et des lieux de travail. Amateurs des 9-17h, jeunesse avide de sécurité de l’emploi, abstenez-vous… Notre profession ne connaît pas les emplois du temps réguliers. Il y a l’empilement des CDD instables (surtout en début de carrière). Aussi, les coups de fil de dernière minute pour des missions à l’autre bout du pays ou à l’étranger… La carrière d’APR n’empêche pas de créer une vie de famille, mais exige une organisation infaillible à l’arrière. Briefez bien votre âme-sœur, entourez-vous d’une famille proche pour garder les petits.

Surtout, pensez au plans B, notamment pour les nouveaux parents. Une qualification d’Agent de Prévention et de Sécurité (APS – « vigile ») ou d’autres cordes à votre arc vous permet de vous diversifier. Vous pouvez accepter temporairement des emplois offrant une certaine stabilité géographique et un emploi du temps plus régulier. Ce sont les bonnes pratiques pour durer dans le temps et ménager votre vie de famille.

La Protection Rapprochée et la sécurité privée en général

Il ne s’agit pas que d’agents opérationnels sur le terrain. C’est également une foule d’employés administratifs et commerciaux. Et les besoins en renforts non-opérationnels (ou « opérationnels de bureau » pour la planification) seront toujours plus forts à mesure que le milieu mature et que les sociétés de PR, encore aujourd’hui extrêmement fragmentées et isolées, s’assainiront et se limiteront aux acteurs les plus forts et les plus structurés. Il leur faudra toujours plus « de gens dans les bureaux » quand leur organisation sera plus sophistiquée.

Mais il y a ensuite et surtout le problème de l’isolement.

Car derrière un garde-du-corps du secteur privé, contrairement au soldat ou au policier, il n’y a pas la solidarité d’une section ou d’une brigade. Il n’y a pas non plus de service des Ressources Humaines à l’échelle nationale. Il n’y a pas de recherche à accommoder les besoins géographiques des familles quand il y a mutation. Quand un agent opérant à l’étranger n’est pas payé à temps par l’employeur, il n’y a pas de scandale national. Ce fut le cas quand Louvois « omettait » de payer nos soldats. Parfois la charge de travail devient impossible et les conditions de travail se dégradent. Mais il n’y a pas de général 2S pour défendre ses troupes et trouver écho dans la presse nationale.

Parfois un agent, traumatisé par un incident grave pendant une mission de Protection Rapprochée, revient au foyer avec un syndrome post-traumatique (PTSD – Post Traumatic Stress Disorder). Mais il n’y a pas de cellule de soutien psychologique ou de dispositif d’accompagnement des familles. Quand un agent revient de mission entre quatre planches, il n’y a pas de cérémonie publique. Il n’y a pas de soutien national sur les réseaux sociaux, pas de drapeau sur le cercueil, pas de discours officiel et autres rituels de deuil, qui, sans rien enlever de la douleur des familles, aident malgré tout à franchir certaines étapes particulièrement tragiques et qui, pour les enfants désormais orphelins, donnent sens à l’absence cruelle du père ou de la mère.

L’Agent de Protection Rapprochée reste un loup solitaire

Sa vie de famille est elle-même bien isolée pour faire face aux aléas d’une profession difficile et exigeante. C’est cet isolement qui constitue le danger majeur pour préserver l’équilibre vie privée/vie professionnelle de nos carrières. Mais nous pouvons tous, chacun à notre niveau, changer la donne. Dans les organismes de formation, nous pouvons travailler à créer un réel esprit de cohésion dans chaque promotion que nous formons. Ainsi, il subsiste une camaraderie bien après le jour de remise des diplômes. Les agences employeuses peuvent également se saisir du problème et chercher à développer une cohésion entre collègues, mais également une solidarité vis-à-vis de leurs vie de famille.

Plus haut encore, nous devons appuyer nos fédérations et syndicats pour qu’ils donnent sens à notre profession et à notre engagement au niveau du grand-public. C’est cette reconnaissance de la Protection Rapprochée et cette structuration de notre solidarité de corps qui permettront aux familles de nos APR de mieux amortir les chocs d’une vie volontairement difficile, mais ô combien épanouissante.

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– Publié par EEPR (Yannick CAYET), le 25 mai 2016

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2018-10-06T23:48:40+00:00mai 25th, 2016|Articles|0 Comments

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